Spectre de Dubhe

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Dubhe-Kstars

Au sein de la Grande Ourse, l’une des constellations les plus connues, se trouve l’étoile Dubhe encore appelée Alpha Ursae Majoris 1. Prenons quelques instants pour analyser le spectre de cette étoile, la plus brillante après sa voisine Alioth (Epsilon Ursae Majoris).


Réponse instrumentale

Mais avant de pouvoir extraire des données exploitables de notre cible, il est nécessaire d’obtenir la réponse instrumentale la configuration matérielle utilisée pendant l’observation 2. En effet, cela est indispensable pour évaluer la sensibilité des instruments selon les longueurs d’onde, particulièrement pour le télescope et la caméra. Mais également pour tenir compte des conditions atmosphériques lors de l’observation, comme l’épaisseur de l’atmosphère, par exemple, qui est variable selon la hauteur de la cible dans le ciel. Ces conditions impactent donc la transmission de la lumière depuis l’étoile et donc nos mesures.

Afin de pouvoir établir cette réponse instrumentale, un spectre d’une étoile dite de référence proche de la cible doit être fait entièrement. Ce spectre de l’étoile de référence est ensuite divisé par le spectre théorique que l’on retrouve dans un catalogue officiel. Pour aller plus loin sur cette technique, vous trouverez plus d’information sur le site de Christian Buil : Méthodes de mesure de la réponse instrumentale et de la transmission atmosphérique.3

L’étoile de référence utilisée est Merak de la même constellation, la Grande Ourse. Voici les informations de cette étoile, son spectre acquis avec un Alpy600 et la réponse instrumentale qui en découle.

Spectre 2D de l’étoile de référence Merak
Spectre final de Merak. À noter que ce dernier ne permet donc pas de faire des mesures scientifiques précises car il est ajusté en fonction d’une étoile théorique en vue d’extraire la réponse instrumentale.

Une fois finalisé et comparé au spectre théorique il est ainsi possible d’affiner la réponse instrumentale. On obtient ici un profil de Merak très proche de celui théorique, comme le montrent les images ci-dessous. À noté que ce dernier ne permet donc pas de faire des mesures scientifiques précises, car il est ajusté en fonction de l’étoile théorique, ici HD 1980016, en vue d’extraire la R.I.

Comparaison du spectre de Merak acquis avec celui d’une étoile théorique de la même classe spectrale A1V, à savoir HD 198001.
Réponse instrumentale du matériel utilisé lors de l’acquisition des spectres.


Analyse spectrale de Dubhe

Ainsi, en associant cette réponse instrumentale au processus d’acquisition de données mise en œuvre sur le Soleil (Soleil : Analyse de son spectre), nous obtenons le profil spectral précis de notre cible Dubhe.

Carte d’identité

  • Nom : Dubhe – Alpha Ursae Majoris (α UMa)
  • Distance : 123 Années-Lumière
  • Magnitude Visuelle : 1.79
  • Type Spectral : K0III
  • Constellation : Grande Ourse

Acquisition

Spectre brut 2D de l’étoile Dubhe

Réduction des données

Pour réduire ces données, le logiciel utilisé ici est Demetra en version 5.17, voici son profil spectral ci-dessous.

Spectre 1D de l’étoile Dubhe

Spectre interactif

Type spectral

On retrouve ici plusieurs raies caractéristiques du type spectral de l’étoile Dubhe, à savoir K0III.

Profil spectral de l’étoile Dubhe avec indication des raies caractéristiques des étoiles K
Valeurs théoriques des raies caractéristiques des étoiles de type K affichées sur l’image précédente. On peut apercevoir déjà à ce stade que plusieurs raies du spectre de Dubhe correspondent.

Concernant le type spectral K0III, le K suivi du chiffre 0 caractérise une portion de température, à savoir ici entre 3500 et 5000 degrés Kelvin à la surface de l’étoile. Le chiffre romain à la suite concerne la classe de luminosité que l’on retrouve dans le Diagramme de Hertzsprung-Russel 8,9. Dans notre cas, ici il s’agit donc d’une Géante rouge.

« Les étoiles de type K (ou naine orange) sont des étoiles de couleurs orange, légèrement moins chaudes que le Soleil (température de couleur : 4 000 K). Certaines sont des géantes rouges alors que d’autres, telle que Alpha Centauri B, sont des étoiles de la séquence principale. Elles possèdent des raies d’hydrogène très faibles, voire inexistantes, et surtout des raies de métaux neutres. Quelques composés moléculaires y sont visibles : CHCNmonoxyde de carbone CO, ainsi que les larges bandes de monoxyde de titane TiO pour les plus froides. » 10

Diagramme de Hertzsprung-Russell créé par Richard Powell
Diagramme de Hertzsprung-Russell créé par Richard Powell.8

Analyse chimique

Voici le détail des raies d’absorption et les valeurs correspondantes.

Profil spectral de Dubhe avec indication des éléments chimiques correspondants aux raies d’absorption.
Éléments chimiquesLongueurs d’onde mesurées (Å)Longueurs d’onde théoriques (Å)
Ca II (K)3931.73933.66
Ca II (H)39673968.47
4099.34101.74
Ca I4228.654226.73
CH4303.944299 – 4313
4338.554340.47
Fe I 4385.94383.54
Ca I / Fe I / Ti I4458.14445 – 4462
Ti I / Fe I4529.794526 – 4529
Cr I4647.54646
4861.294861.33
Fe I / Ti I50135002 – 5013
Triplet Mg I5169.72 – 5184.95167.32 / 5172.68 / 5183.60
Fe I / Ca I5267.475270
Fe I5326.35328
Fe I / Cr I5402.85406 – 5410
Ni I / Fe I5707.045710
Cu I / Cr I5784.155782 – 5786
Doublet Na (D2 / D1)5892.225889 / 5896
Fe I / Cr I6360.936359 / 6363
Ba I / Fe I / Ca I6496.336497
6562.56562.82
Longueurs d’onde mesurées et théoriques des éléments chimiques affichés sur le profil spectral de Dubhe (dans l’ordre d’affichage) 11

On retrouve ainsi plusieurs éléments caractéristiques des étoiles K, notamment :

  • La molécule CH vers 4300 Å
  • Le doublet des raies H et K du Calcium ionisé à 3933 et 3968 Å.
  • La raie du Ca I à 4226 Å
  • Les diverses raies Fe I
  •  Le triplet du Magnésium entre 5167 et 5183 Å et le doublet des raies du Sodium (D2 et D1) à 5889 et 5896 Å. La résolution du spectroscope est trop petite et ne permet pas de visualiser la séparation des raies du triplet Mg et du doublet Na.
  • La série de Balmer pour l’atome d’hydrogène (Hꭤ à Hδ)

Température

En utilisant les mêmes applications théoriques et calculs que sur le spectre du Soleil, il est possible d’évaluer la température de Dubhe (voir l’article pour plus d’explications).

Spectre de Dubhe (bleu) avec profil de Planck du corps noir à 4600K (en vert) obtenu avec VisualSpec12

À partir de la loi de Wien9, nous pouvons donc retrouver cette température avec l’application numérique suivante :

La longueur d’onde maximale est ici de 6290.51 Å.

T = 2,898.10-3 / λmax

T = 2,898.10-3 / 6,29051.10-7
T ≅ 4606 K

Unités 
λmax en m
T en degrés Kelvin

On retrouve une température d’environ 4606 K comme indiqué par le calcul automatique du logiciel VSpec12. La température de surface que l’on trouve dans la littérature est donnée à environ 4500 K 1, 4, 13.

Cette étude de Dubhe nous donne des indications intéressantes les caractéristiques de l’étoile. Toutefois, elle est incomplète.


Binaire spectroscopique

En effet, lorsque l’on regarde la littérature on s’aperçoit que Dubhe est en réalité une Binaire Spectroscopique4, 13. Alpha Ursae Majoris fait en fait partie d’un système quadruple (2 systèmes de deux binaires spectroscopiques).

L’étoile principale du système est ainsi Dubhe, α Ursae Majoris A, une géante qui a évolué assez loin de la séquence principale après avoir consommé l’hydrogène au sein de son coeur (cf. Diagramme de Hertzsprung-Russell ci-dessus).

La seconde étoile, α Ursae Majoris B, est une étoile de la séquence principale. Sa classe spectrale est F0V 14, 18 et se trouve à une distance d’orbite d’environ 23 UA. Il lui faut 44,4 ans pour effectuer une orbite complète.

À près de 8000 UA ce système binaire, se trouve un second système composé lui aussi de deux étoiles. Une étoile de type spectral F8 appelée α Ursae Majoris C autour de laquelle tourne un compagnon avec une période orbitale de 6 jours 13.

Pour détecter de tels systèmes, il est possible de mesurer le déplacement par l’effet Doppler-Fizeau (le même effet qui modifie le son d’une sirène d’ambulance lorsqu’elle se rapproche et s’éloigne) sur les raies du spectre, comme indiqué ci-dessous.

« Un système binaire spectroscopique est un couple d’objets dont le mouvement orbital est mis en évidence par la variation de la vitesse radiale d’une ou des deux composantes du système. Cette vitesse est mesurée grâce à un spectrographe, en observant le déplacement par effet Doppler-Fizeau des raies spectrales de l’étoile, dû à sa vitesse orbitale le long de la ligne de visée. Cette méthode a historiquement servi, et continue aujourd’hui de servir, à détecter de nombreuses étoiles binaires, mais a également conduit depuis les années 1990 à la détection de nombreuses planètes extrasolaires (exoplanètes). » 15

Mouvement d’une binaire spectroscopique.15

Toutefois, la période orbitale entre α Ursae Majoris A et α Ursae Majoris B de 44 ans est trop longue pour observer une orbite complète. De plus la résolution de spectroscope nécessaire doit être supérieure à celle de l’Alpy600, tel qu’avec un LHIRES III.16

Chronos.



Protocole d’acquisition

Date et heure d’acquisition22 janvier 2020
21:53:16
Jour julien : 2458871.4120
TélescopeCelestron SC 800 EdgeHD
Réducteur de focale f/6.3
Caméra d’acquisitionAtik 460Ex à -20°C
Binning 1×1
Autoguidage : Lodestar
SpectroscopeAlpy 600
Fente de 23µm
Images et calibration35 poses de 20 secondes de lumière soit 700s
7 images de calibration ArNe de 15s
7 Flats de 3 secondes
7 Darks de 20 secondes
7 Offsets
RésolutionRMS : 0.227
Informations et protocoles d’acquisition pour la réalisation du spectre de Dubhe

Sources et informations complémentaires

Sources

1 Alpha Ursae Majoris – Wikipedia
2 Cochard, F. (2016). Guide pratique pour (bien) commencer en spectroscopie astronomique. Edp Sciences – ISBN-13 : 978-2759817849
3 Méthodes de mesure de la réponse instrumentale et de la transmission atmosphérique
4 http://simbad.u-strasbg.fr/simbad/sim-id?Ident=Alpha+Ursae+Majoris
5 https://fr.wikipedia.org/wiki/Type_spectral#Type_A
6 Étoile HD198001 – Simbad – CSD
7 Demetra – Shelyak.com
8 Diagramme de Hertzsprung-Russel – Wikipedia
9 Séquence d’objets pour une classification spectrale en basse résolution – B. Mauclaire
10 Type Spectral K – Wikipedia
11 Walker, R. (2017). Spectral Atlas for Amateur Astronomers: A Guide to the Spectra of Astronomical Objects and Terrestrial Light Sources. Cambridge: Cambridge University Press. doi:10.1017/9781316694206 – ISBN13 9781107165908
12 Visual Spec – Valérie Desnoux
13 http://stars.astro.illinois.edu/sow/dubhe.html
14 https://fr.wikipedia.org/wiki/Type_spectral#Type_F
15 https://fr.wikipedia.org/wiki/Binaire_spectroscopique
16 https://www.shelyak.com/produit/lhires-iii/
17 https://en.wikipedia.org/wiki/Binary_star#Spectroscopic_binaries
18 https://en.wikipedia.org/wiki/Alpha_Ursae_Majoris
19 Type Spectral – ARAS
20 http://stars.astro.illinois.edu/sow/sowlist.html
21 http://stars.astro.illinois.edu/sow/spectra.html

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