Nova Per 2020

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Nova Per 2020

Une nouvelle nova a fait son apparition dans la constellation de Persée ce 26 novembre 2020, Nova Per 2020. Cet article présente les spectres que j’ai effectués de cette dernière.

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DécouvertePrincipeProtocole d’acquisitionSpectres de Nova Per 2020Évolution


Découverte et présentation de la Nova Per 2020

Le 25 & 26 novembre 2020 plusieurs sources rapportent une évolution laissant penser la présence d’une nova dans la constellation de Persée 1,2,3, notamment sur l’ATel :

Astronomer’s Telegram – 26.11.2020 3
U. Munari (INAF Padova), F. Castellani, S. Dallaporta, V. Andreoli (ANS Collaboration)

« Obtention d’un spectre basse résolution du transitoire TCP J04291884 + 4354232 avec un télescope de 25 cm + Alpy600 le 26 novembre 2005 TU. Le spectre montre de larges raies de Balmer en émissions avec un profil P-Cygni profond, typique d’une nova proche de sa luminosité maximale.

La photométrie obtenue avec le télescope ANS Collaboration 0310 le 25 novembre 965 fournit V = 10,331, B-V = + 0,658, V-R = 0,482, V-I = 0,947 le 26 novembre TU, indiquant une légère rougeur affectant la nova. »


Animation de la découverte de Nova Per 2020 – Crédit : S. Korotkiy – NMW 2

Voici une animation qui montre l’augmentation de la luminosité importante ainsi que son positionnement, via Aladin et sur le graphique AAVSO

Position de Nova Per 2020 – AAVSO Chart 4

Le nom de nova, plus précisément « nova stella », a été donné à ces astres spectaculaires qui surviennent spontanément dans le ciel par Tycho Brahe pour désigner une « nouvelle étoile », vers le 16e siècle.

Les explosions de novae sont généralement issues d’une réaction nucléaire qui s’emballe au sein d’un système binaire qui est très rapproché, composé d’une naine blanche et d’une étoile de la séquence principale ou d’une géante rouge qui a son enveloppe qui se dilate. 5

Comme illustré sur l’image ci-dessous, la naine blanche qui est extrêmement dense accumule alors de la masse par transfert de la géante rouge, donnant lieu ainsi à une nova. Ce processus entraine une augmentation très rapide de luminosité 5, 6.

Vue d’artiste d’un système binaire composé d’une naine blanche (à droite) capturant l’hydrogène d’un compagnon, structure pouvant donner lieu à une nova.6

« En astronomie, une nova est une étoile qui devient très brutalement extrêmement brillante, avec une grande augmentation de son éclat, qui peut être de l’ordre de 10 magnitudes.

Cette vive luminosité ne dure que quelques jours, et l’étoile reprend ensuite progressivement son éclat initial. » Wikipedia.

Plus précisément, en surface de la naine blanche, une grande quantité d’hydrogène forme un disque d’accrétion avec ce transfert, puis écrasée sur l’étoile par la gravité, le gaz s’accumule et se comprime à des températures extrêmes pouvant dépasser 1 000 000 kelvins. Rapidement, avec ces conditions une réaction de fusion nucléaire est initiée et engrange le processus de conversion de l’hydrogène en hélium puis en éléments plus lourds.

Cette explosion expulse ces couches d’hydrogène pouvant aller à une vitesse de 2000 à 4000 km.s-1, entrainant par la même occasion cette fameuse augmentation intense de luminosité 5.

Cette augmentation de luminosité est bien visible sur les données photométriques acquises dans les jours suivant l’information passée sur l’ATel, comme sur le Tweet ci-contre d’Artyom Novichonok.

Les mesures photométriques associées aux mesures spectroscopiques permettent de vérifier qu’il s’agit ou non d’une nova.

Spectre de Nova Per 2020 par D. Boyd 7 – Forum ARAS

Un des tout premiers spectres, effectué par David Boyd, montre clairement ce phénomène avec des raies de Balmer en émission intenses et un profil P Cygni (voir ci-contre).

Spectre de David Boyd le 26/11/2020 –
Source : http://www.spectro-aras.com/forum/download/file.php?id=7337

Ainsi, très rapidement, la communauté d’amateurs pratiquant la spectroscopie et la photométrie a effectué de nombreuses mesures permettant de visualiser l’évolution de cette Nova Per 2020, l’ensemble de ces mesures sont disponibles aux liens suivants :

J’ai eu l’occasion de faire l’acquisition de deux spectres de cette nova dans la nuit du 28 au 29 novembre, et la nuit du 29 au 30 novembre, voici le détail des données acquises.


Protocole d’acquisition

L’ensemble des acquisitions ont été faites avec la suite logicielle KStars /EKOS / INDI.9 On aperçoit sur la Nova Per 2020 sur l’image de guidage, ci-dessous, ainsi que la fente du spectroscope, ici un Alpy600 avec une fente de 23 µm, dans la nuit du 28 au 29/11/2020.

Capture d’écran de l »acquisition du spectre de la Nova Per 2020 avec KStars, le 29/11/2020 à 00:17 Heure locale.

Voici les informations concernant le protocole d’acquisition pour les deux sessions.

Date et heure d’acquisition spectre 1
Date et heure d’acquisition spectre 2
2020-11-29T00:37:10
2020-11-30T01:37:07
TélescopeCelestron SC 800 EdgeHD – 203/2000
Réducteur de focale f/6.3
Caméra d’acquisitionAtik 460Ex à -20°C
Binning 1×1
Autoguidage : Lodestar
Logiciel d’acquisitionKStars – EKOS – INDI9
SpectroscopeAlpy 600
Fente de 23µm
Images et calibration29/11 : 9 x de 600s.
7 images de calibration ArNe de 15s
15 Flats de 4 secondes
7 Darks de 600 secondes
15 Offsets

30/11 : 6 x 600s
5 images de calibration ArNe de 15s
15 Flats de 4 secondes
7 Darks de 600 secondes
15 Offsets

Étoile de référence pour la
réponse instrumentale : HD29526 (A0V)
Logiciel de réduction des donnéesDemetra 10
RésolutionRMS 29/11 : 0.21
RMS 30/11 : 0,168
Informations et protocole d’acquisition pour la réalisation des spectres de Nova Per 2020

Réponse instrumentale

Réponse instrumentale à partir de l’étoile HD29526 & Étoile A0V Pickles
Étoile de référenceHD29526
Type spectral11A0V
Magnitude visuelle5,6
Température de surfaceenv. 9800 K
Distance297 A.L
Informations concernant l’étoile de référence HD29526

Nova Per 2020 – Spectroscopie

Dans les premiers temps suivant l’alerte les spectres montrent des larges raies de Balmer en émissions qui traduisent bien la présence d’hydrogène comme décrit précédemment, c’est également ce que l’on retrouve sur les spectres de la communauté 8 :

Classification of TCP J04291884+4354232 as a classical nova 12
U. Munari (INAF Padova), F. Castellani, S. Dallaporta, V. Andreoli (ANS Collaboration)
on 26 Nov 2020; 11:09 UT – (ATel #14224)

« We have obtained low-resolution spectroscopy of the transient TCP J04291884+4354232 with a 25cm telescope + Alpy600 on Nov 26.05 UT. The spectrum shows broad Balmer emission lines with deep P-Cyg as typical of a nova close to maximum brightness. »

Spectre du 29/11/2020 – 00:37:10
Spectre de NovaPer2020 avec indications des raies principales. 7
Spectre de la Nova Per 2020 – 29/11/2020 00:37:10 heure locale

Voici le même spectre avec une indication des raies. Sur ce dernier, la présence de raies en absorptions en majorité laissant penser que l’on s’approche du maximum 8.

Spectre de la Nova Per 2020 - 29/11/2020 00:37:10 heure locale - avec annotations des raies.
Spectre de la Nova Per 2020 – 29/11/2020 00:37:10 heure locale – avec annotations des raies.13,14

On remarque clairement un profil P Cygni sur ce spectre vers 6563Å, caractéristique des novae.


Profil P Cygni 5, 15

Un profil P Cygni est une particularité spectroscopique nommée ainsi à partir de l’étoile éponyme présentant une caractéristique similaire.

La particularité de ce profil est de comporter une raie en émission intense avec en même temps une raie d’absorption moins intense sur le côté bleu de la raie d’émission. Cette signature est causée par une énorme quantité de matière (comme du gaz chaud) éjectée par un vent stellaire, comme dans le cas de la nova.

Comme le montre la figure ci-dessus, il y a un vent stellaire extrêmement rapide qui est expulsé tout autour de l’étoile centrale. Cette étoile ionise les atomes qui se trouvent dans ce vent stellaire de par ses radiations à hautes énergies, d’où les raies en émissions.

Les observateurs que nous sommes, relativement éloignés…, ne peuvent ainsi pas voir une partie des vents stellaires qui sont expulsés derrière l’étoile sur notre ligne de vision. Pour le reste de ces vents, s’échappant de nous, ils montrent de fait un décalage vers le rouge dû à l’effet Doppler.

Pour résumer, sur ce profil de raie, nous voyons donc :

Les vents stellaires ionisés par l’étoile, créant une enveloppe externe chaude, qui s’éloignent de nous et de fait montrent une émission avec un Redshift.

Ces mêmes vents stellaires, cette fois expulsés sur notre ligne de visée, se rapprochent à grande vitesse dans notre direction et génèrent une émission décalée vers le bleu.

Enfin, les photons qui traversent cette enveloppe, nommée « Shell », dans notre direction sont absorbés par cette dernière qui se trouve entre l’étoile et l’observateur, générant ainsi une raie d’absorption dans le bleu.

Illustration d’un profil P Cygni généré lors de l’explosion d’une Nova. 15, 16, 17, 18

Ce décalage entre les deux types de raies permet de déterminer la vitesse d’expansion du Shell à partir de l’équation de Doppler 5 , que nous avons déjà rencontré précédemment ici :

L’ Alpy600 n’est pas l’outil le plus précis pour mesurer cette vélocité, mais cela permet tout de même de faire une approximation, comme on peut le voir avec les graphiques en bas de page.


Spectre du 30/11/2020 – 01:37:07

Voici le spectre de la même nova effectuée 24 heures plus tard, sur lequel le continuum a été enlevé.

Spectre de la Nova Per 2020 - 30/11/2020 01:37:10 heure locale - avec annotations des raies.
Spectre de la Nova Per 2020 – 30/11/2020 01:37:10 heure locale – avec annotations des raies.

On remarque clairement une augmentation des raies en émissions sur les raies de Balmer qui correspond également à une augmentation de luminosité mesurée par photométrie vers le même moment, montrant ainsi de possibles oscillations de maximum de luminosité 8.


Comparaison

Comparaison des spectres de Nova Per 2020 à 24 heures d’intervalle.

La comparaison des deux spectres permet de se rendre compte de ce changement important qui s’opère au sein de la nova. En couleur orange, le premier spectre avec une majorité de raies d’absorption. En bleu, le second avec une reprise des émissions, notamment a niveau des raies de Balmer de l’hydrogène (plus d’explication ici).

Voici un zoom sur la raie Hα à 6562.8 Å, ainsi qu’un comparatif sur sa vélocité. Le graphique de mesure de la vélocité montre une vitesse d’éjecta d’environ 600 et 850 km.s-1 pour cette raie entre les deux dates.

Tout comme pour Hα, voici l’évolution des autres raies de Balmer pour l’hydrogène pour la nova à 24 heures d’intervalle, cliquez sur une des images pour l’afficher en grand.

L’évolution future des raies liée à la baisse de luminosité, qui peut prendre plusieurs mois, permettra probablement de comprendre un peu mieux ce qu’il se passe au sein de cette nova et de préciser de quel type de Nova il s’agit, selon le système de classification Tololo mise en oeuvre par Williams, R. E., Phillips, M. M., & Hamuy, M. dans les années 90, plus de détail par ici, et ici.


À suivre…

Le suivi de tels objets particuliers ayant une évolution si rapide, avec du matériel abordable tel que l’Alpy600, pousse à en savoir plus sur les phénomènes physiques qui règnent lors d’évènements de ce genre et renforcent le côté passionnant de la spectroscopie amateur.

La météo, un peu capricieuse, ne m’a pas permis de réaliser d’autres spectres les jours suivants, mais le suivi de cette nova est disponible sur le forum ARAS, comme indiqué précédemment, avec des spectres réguliers par la communauté. Je mettrai à jour cet article si de futures données sont acquises ou lorsqu’il il y a aura une interprétation plus avancée.

Sources et informations complémentaires

Sources

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