Comète 2019 Y4 ATLAS – Analyse spectrale

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C2019 Y4 ATLAS - Spectre

La comète C/2019 Y4 ATLAS, découverte en décembre 2019, fait beaucoup parler d’elle en ce moment. Qu’il s’agisse de photos de sa chevelure verte étincelante ou de son potentiel rapprochement du soleil, elle ravit nos yeux d’astronomes. Prenons quelques instants pour voir ce qui se cache au sein de cette voyageuse du milieu interplanétaire.


Au programme

Portrait de la comèteTrajectoire / DésintégrationProtocole d’acquisition du spectreSpectre de la comète


Portrait de la comète

Ainsi cette comète porte le nom 2019 Y4 ATLAS car elle a été découverte en fin d’année 2019 par l’Asteroid Terrestrial-impact Last Alert System (ATLAS), le système robotisé de détection et d’alerte pour les objets géocroiseurs de petite taille qui pourraient percuter la Terre 1.

Rapidement, sa luminosité a augmenté permettant à plusieurs astrophotographes et astronomes amateurs de la prendre en photo2. C’est le cas notamment de Michael Jäger, astronome amateur réputé pour ses découvertes de comètes3, comme le montrent ses tweets ci-dessous.

Trajectoire

Après avoir traversé la constellation de la Grande Ourse entre janvier et mars 2020, la comète C/2019 Y4 ATLAS devrait continuer son périple dans la constellation de la Girafe comme le montre l’image ci-dessous. C’est donc vers la fin du mois de mai qu’elle devrait être la plus lumineuse, car elle sera au plus proche du Soleil, à 37,5 millions de kilomètres2.

Parcours de la comète. Chaque point correspond à une semaine donnée. Copyright : Tomruen – JPL Horizons 4

Oui « devrait », car il semble que cette comète ne sera pas visible sous nos latitudes aussi longtemps. En effet, des signes récents laissent à penser que nous pourrions peut-être voir prochainement sa désintégration.


Potentielle désintégration…

Comme le précise le billet d’information provenant du service de publication « The Astronomer’s Telegram » posté par deux astronomes (Quanzhi Ye de l’université du Maryland et Qicheng Zhang du Caltech), l’allongement actuel du noyau suggère une potentielle désintégration proche.

Les deux images provenant de cette étude reprise dans le tweet du Dr Jessie Christiansen de la NASA, montrent en effet une transition d’un noyau clair et serré, vers un noyau plus faible et étalé.

Plus d’informations ici : Possible Disintegration of Comet C/2019 Y4 (ATLAS) – ATEL


Analyse spectrale de la comète

Mais avant que peut-être cette somptueuse comète parte en éclat, j’ai pu faire un spectre basse résolution pour analyser sa composition.

Protocole d’acquisition

Date et heure d’acquisition2020-04-01
T20:26:539
TélescopeCelestron SC 800 EdgeHD – 203/2030
Réducteur de focale f/6.3
Caméra d’acquisitionAtik 460Ex à -20°C
Binning 1×1
Autoguidage : Lodestar
SpectroscopeAlpy 600
Fente de 23µm
Images et calibration6 poses de 600 secondes
7 images de calibration ArNe de 15s
7 Flats de 3 secondes
7 Darks de 600 secondes
7 Offsets
Logiciel de réduction des donnéesISIS v5.9.75
RésolutionRMS : 0.124
Résolution : 513.1
Informations et protocoles d’acquisition pour la réalisation du spectre de la comète C2019 Y4 ATLAS

L’étoile de référence utilisée pour la réponse instrumentale est HD 42818, vous trouverez plus de détail sur la mise en oeuvre de la réponse spectrale sur les articles précédents, notamment ici : Spectre de Dubhe.

Voici les informations de cette étoile :

Noms : HD 428186
Type Spectral : A0V7
Magnitude Visuelle : 4,76
Température de surface : 10 830 K
Distance : 175 A.L

Profil spectral de la Comète C/2019 Y4 ATLAS

Profil spectral de la comète C/2019 Y4 ATLAS

Spectre interactif

Analyse chimique

Voici le détail des raies d’émission et leurs valeurs correspondantes.

Spectre de la Comète C/2019 Y4 ATLAS
Profil spectral de la comète C/2019 Y4 ATLAS avec indication des éléments chimiques correspondants aux raies d’émissions.8,9

On note la présence de plusieurs éléments caractéristiques des comètes dans ce spectre électromagnétique dans le visible, notamment :

La raie CN du cyanogène à 3880 Å. Cette raie montre les radicaux qui sont issus de la photodissociation de molécules mères, soit HCN en majorité10.

Les raies C3 du tricarbone 11 a 4002, 4042 et 4072 Å.

Les raies C2 qui font partie de ce que l’on appelle les « raies de Swan » visible ici entre 4300 et 5200 Å, qui nous permettent d’identifier les radicaux produit à partir des molécules de C2H2 et C2H6 en majorité 10.


« En spectroscopie, une raie de Swan est l’une des raies spectrales du domaine visible, caractéristiques du spectre électromagnétique des comètes et des étoiles carbonées ainsi que de la combustion des hydrocarbures, signalant la présence de carbone diatomique C212.

Ces raies ont été nommées d’après le physicien écossais William Swan, qui étudia le spectre du C2 en 1856.

Wikipedia.


On notera également la présence de plusieurs raies NH2 pointant la présence du radical Amine, composé organique dérivé de l’ammoniac13.

Par ailleurs, les deux raies de l’oxygène [OI] sont également visibles sur le spectre, dans le vert à 5577Å et dans le rouge à 6300 Å. Ces deux raies pointent ici du doigt ce que l’on appelle l’ « airglow », le rayonnement de lumière visible pour l’être humain propagée par l’atmosphère de la Terre, empêchant ainsi une nuit d’être totalement noire de l’atmosphère terrestre.14


« L’airglow est généré pendant la journée dans l’atmosphère par photo-ionisation de l’oxygène à la suite du rayonnement solaire UV et des chaînes de réactions chimiques. La nuit, une recombinaison a lieu, provoquant des raies d’émission à des fréquences discrètes. Ici ce ne sont que deux des lignes [OI] à 5577,35 et 6300,23 Å. » 9

Liste détaillée des raies présentes sur le spectre ci-dessus

Éléments chimiquesLongueurs d’onde mesurées (Å)
CN3872 (Théorique 3880)
C34002 / 4042 / 4072
CN4213
CH4316
C24361
C24685 / 4712 / 4732
C25123 / 5158
[OI]5577
C25628
NH25693 / 5731
NH25976
C26094
[OI]6300
NH26335
Longueurs d’onde mesurées des éléments chimiques affichés sur le profil spectral de la comète C/2019 Y4 ATLAS (dans l’ordre d’affichage) 8,9,15


Ce spectre nous donne des indications intéressantes sur la composition de la comète avant qu’elle disparaisse. Une chance, car à l’heure où je termine ces lignes il semble que la désintégration de la comète se confirme. Il deviendra donc plus difficile de capter les lueurs de cette voyageuse, car sa luminosité va maintenant se réduire considérablement…

Chronos.



Sources et informations complémentaires

Sources

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